Report in French online newspaper - Le Monde
Reference : http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/03/02/ces-dessins-qui-sur-le-net-defient-le-pouvoir-malaisien_1651046_3246.html
En Malaisie, le caricaturiste Zunar n'a aucun accès aux médias traditionnels, mais ses dessins, censurés car ils dénoncent la corruption et le népotisme d'un régime au pouvoir depuis près d'un demi-siècle, trouvent asile sur le Net et les réseaux sociaux. De passage à Paris à l'invitation de Reporters sans frontières, ce quinquagénaire volubile, de son vrai nom Zulkiflee Anwar Ulhaque, sort de sa sacoche des dizaines et des dizaines de reproductions de ses oeuvres. Ce sont ses "munitions", car, souligne-t-il, la caricature "est une arme", ce qui lui vaut d'ailleurs d'être sous la menace d'une peine de prison de trois ans pour sédition.
L'une de ses cibles favorites est Rosmah, la femme du premier ministre malaisien,Najib Razak, "une femme très puissante, plus puissante que son mari". L'affaire des sous-marins Scorpène vendus par la France à la Fédération malaise, avec des soupçons de versement d'une commission occulte, a également nourri son inspiration. Pour la technique, cet étudiant en sciences, formé sur le tas, s'est inspiré des caricaturistes américains.
A la fin des années 1990, l'affaire Anwar Ibrahim - vice-premier ministre qui s'était opposé à l'homme fort de l'époque, Mahathir Ibn Mohamad, déclenchant une crise politique - l'a engagé définitivement sur la voie de la caricature sans concession, une rareté en Malaisie, où, dit-il, "les dessinateurs étaient plutôt gentils avec les politiques. Je me suis dit qu'on ne pouvait pas rester neutre, qu'il fallait prendreposition. Ce n'était pas une situation normale, nous étions en pleine crise morale, avec beaucoup de corruption, de copinage, d'abus de pouvoir et d'atteintes aux droits de l'homme", explique-t-il. "Même mon crayon, quand je le pose dans son pot, prend position", poursuit-il.
Arrêté puis relâché
Ses attaques lui ont valu des ennuis et ses livres sont censurés. En septembre 2010, il a été arrêté par la police, peu avant la sortie du septième et dernier,Cartoon-o-phobia. Après une nuit passée dans plusieurs commissariats, une manoeuvre destinée à semer ses partisans, il a réussi à être relâché en défiant les policiers au tribunal. "Le juge a demandé à mes accusateurs s'ils avaient lu le livre. La réponse a bien évidemment été négative, puisqu'il n'avait pas encore été publié. Donc j'ai pu souligner que les poursuites n'avaient aucun fondement."
Internet et les réseaux sociaux lui permettent de contourner la censure. "61 % des 28 millions de Malaisiens utilisent Internet. Facebook et Twitter sont plus que des réseaux sociaux en Malaisie, ce sont des réseaux alternatifs, où circule l'information, comme en Egypte et en Tunisie. C'est un nouveau défi pour le gouvernement, car il a perdu le monopole." Il n'est plus seul désormais, rejoint par une dizaine de jeunes "disciples", qui se réunissent régulièrement. De manière informelle, ils ont formé un "club des caricaturistes indépendants", où il joue un rôle de "doyen".
Francois Bougon
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